COP 21 : l’Afrique à la croisée des chemins

28 janvier, 2017 - 09:45

Mediapart - Ce lundi a sonné le lancement officiel de la 21ème Conférence des Parties (COP 21) à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC). Le grand rendez-vous de l’écologie et du développement durable organisé au Bourget, dans la banlieue de Paris.

Au cours de ces quelques jours, 196 États parties à ladite Convention procéderont à une négociation intense et difficile en vue d’adopter un accord international sur le climat contraignant. Dans ce cadre, nombre de pays se mobilisent pour faire de la COP 21 une manifestation porteuse de solutions sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) et une atténuation de l’altération climatique.

Parmi eux, de nombreux états africains sont présents et dénoncent les conséquences du changement climatique pour leur région alors même qu’ils ne représentent qu’une part marginale des émissions.

Tous égaux face au changement climatique ? Pas sûr

Le réchauffement de la température terrestre – et les répercussions néfastes qui l’accompagnent - affectent avant tout les pays les plus vulnérables en aggravant leur pauvreté, en accentuant leurs flux migratoires, en menaçant leur stabilité sociale et économique et en réduisant significativement leur production alimentaire.

L’Afrique et son milliard d’habitants contribue à moins de 4 % des émissions globales de gaz à effet de serre. Elle est pourtant, plus que tout autre continent, vulnérable à ces dérèglements, avec un boom démographique majeur en route (2,5 milliards de personnes en 2050, selon les dernières projections de l'ONU - soit ¼ de la population mondiale) et des flux de personnes colossaux qui accompagnent une urbanisation galopante mais souvent précaire. 

Sur le terrain, les effets du changement climatique (sécheresses, désertification, inondations, tempêtes) accentuent également le problème du développement du marché du travail. Le choix du développement durable demande un soutien logistique et économique des pays développés, eux-mêmes largement occupés à réformer leurs modes de production. 

La multiplication des crises environnementales en Afrique met à mal un système de production alimentaire déjà fragile, et si rien n'est fait pour changer la donne climatique, l'Afrique ne pourra subvenir qu'à 13 % de ses besoins alimentaires d'ici à 2050, selon les Nations unies. Ce déclin du secteur posera également un grave problème d’emploi, étant donné que 65 % de la population active travaille dans le secteur agricole.

Les pays développés à la rescousse ?

Face à ces difficultés structurelles, le continent africain a besoin de l’aide des pays les plus développés – souvent aussi les plus pollueurs. Dans ce cadre les annonces se sont multipliées lors de la première journée, et onze pays ont constitué une enveloppe de 248 millions de dollars (234 millions d'euros) pour aider les pays les moins avancés (FPMA). Parmi les donateurs : la France, l'Allemagne, le Royaume-Uni, les Etats-Unis ou encore le Canada.

On voit donc apparaitre les prémices d’un désir commun de répondre aux urgences climatiques et environnementales. Les pays qui étaient réfractaires à accepter leur part de responsabilité dans les émissions de GES semblent désormais en avoir pris la mesure.

Il faut applaudir ce revirement de pays développés et nouvellement industrialisés (la Chine et l’Inde sont devenus deux pollueurs majeurs lors de la dernière décennie), mais l’Afrique, de par ses engagements, doit elle-aussi se montrer à la hauteur des enjeux. 

Certains pays ont déjà clairement exprimé leur volonté de participer à l’effort collectif avec des programmes ambitieux. Les dirigeants africains l’ont affirmé : ils parleront d’une même voix et prendront des engagements sérieux, mais veulent en contrepartie un accord ambitieux et approprié qui aidera également à l’innovation et la croissance verte dans les pays en développement. Chacun a donc son rôle à jouer, en fonction de sa responsabilité et de ses moyens.

La Mauritanie prévoit de réduire ses émissions de GES de 22.3 % d’ici à 2030 

En ce sens, il faut se féliciter des initiatives d’ores et déjà prises par le Maroc, le Gabon, et l’Éthiopie qui ont choisi de drastiquement réduire leurs émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2030. Ils ont rapidement été suivis par le Kenya, le Bénin, la République démocratique du Congo, Djibouti ou encore la Mauritanie.

Ce dernier pays s’est démarqué par son dynamisme et son sens de l’innovation dans la réduction de son emprunte carbone, profitant des opportunités sans précédent offertes par le sommet sur le climat pour renforcer une politique verte déjà très avancée. La région du Sahel Africain étant largement affectée par des sécheresses chroniques depuis 1968. 

Aussi, le ministre mauritanien du pétrole, de l'énergie et des mines, M. Mohamed Salem Ould Bechir, tirait la sonnette d’alarme en amont de la conférence : « Cela a entraîné des conséquences directes sur un milieu déjà très précaire, à savoir la dégradation des conditions socio-économiques générales du pays et de l’environnement physique », déplorait le ministre dont le pays souffre d’une baisse de 10 % des réserves d’eau, d’une dégradation et érosion des terres, d’une extension des zones arides au sud du pays, d’une baisse de la productivité du cheptel et d’un développement de l’élevage périurbain plus risqué en matière de sécurité alimentaire.

Le programme Emel (Espoir) – d’un montant de 300 Millions de dollars pour la période 2012 – 2015 – affichait déjà une vision ambitieuse, mais les facilitées de coopération et de levée de fonds permises par la COP 21 a amené le pays à revoir ses efforts à la hausse. La république table désormais sur réduction de ses émissions de GES de 22,3 % d’ici à 2030, soit 4.2 Millions de tonnes équivalent dioxyde de carbone.

La Banque africaine mobilise près de 7 milliards de dollars

A l’image de la Mauritanie, du Maroc ou encore du Gabon, il est indispensable qu’à l’échelle du continent, les gouvernements adoptent une stratégie unifiée basée sur les constats d’échec passés et le décryptage des solutions.

La coordonnatrice résidente du système des Nations unies, Fatou Bintou Djibo, avertit que les enjeux de Paris « sont complexes et importants pour l’Afrique qui aura besoin de peser de toutes ses forces, de parler d’une même voix ». Avec des engagements précis et courageux, la plupart des pays africains, qui disposent d’un énorme potentiel en terme d’énergies renouvelables (hydroélectricité, solaire, éolien, géothermie, biomasse) sauront attirer les investissements pour un développement vert, et ainsi prendre en main les rennes de leur propre développement.

Ils disposent également d’un argument de préservation important alors qu’ils détiennent un important capital forestier, sorte de second poumon mondial qu’il faut à tout prix sauvegarder. Entre 2011 et 2014, la Banque africaine de développement a su mobiliser près de 7 milliards de dollars pour la mise en œuvre de 80 projets d'adaptation et 87 projets d'atténuation.

Sur la seule année 2014, la Banque est parvenue à mobiliser 60 % de financements de plus qu'en 2013 pour lutter contre le changement climatique, révèle le dernier rapport conjoint des banques multilatérales de développement. Preuve que le continent peut se faire entendre s’il marche du même pas et s’exprime d’une même voix.

Source : Mediapart (France)

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